Censure renforcée contre les chants nord-coréens de « résistance »

La Corée du Nord intensifie la censure à
l’encontre de la musique et se débarrasse de tous les supports (cassettes, CDs)
contenant des chants prohibés par l’État – même ceux créés au Nord – ce afin
d’éradiquer tout ce qui pourrait potentiellement conduire à une instabilité
politique dans le pays. Daily NK a appris que Kim Jong Un aurait pris cet ordre
sur la base de craintes que certains chants n’instillent l’esprit critique ou
la résistance au pouvoir parmi la population.

Une source de la province de Pyongan du Sud a
révélé jeudi à Daily NK que « récemment, le Département de l’Agitation et
de la Propagande du parti a établi une liste de « chants sans
origine » et de « chants interdits » qui est distribuée dans les
foyers. Sur cette liste figure même des chansons du film « Im Kkeok
Jeong » (chef d’une révolte paysanne au XVIème siècle), pourtant réalisé
en Corée du Nord. »

La source a expliqué que ces chants
portent des titres comme « Agissez, frères de sang ! »,
« Obtenir vengeance », et que la liste inclut également le chant
« Nation sans larmes », tiré du film « Échos de Halla ».
Certains de ces titres, tels « Agissez, frères de sang ! » sont
interdits depuis déjà plusieurs années, mais c’est la première fois que les
autorités prennent de véritables mesures tendant à empêcher quiconque d’y avoir
un quelconque accès.

Cette nouvelle a été confirmée par d’autres
sources des provinces de Pyongan du Nord, de Hamgyŏng du Nord et de Hamgyŏng du
Sud.

Selon la source, « les bureaux locaux de
la propagande demandent aux chefs d’inminban (les unités populaires) de
récupérer les cassettes et CDs chez les gens afin de les détruire. Même si une
seule chanson figure sur la liste, ils détruisent la totalité des
supports. » Cette liste comporte beaucoup de titres faisant partie des
hits de tout temps, et ce nouveau stade dans la censure a par conséquent
entraîné des récriminations, a ajouté la source.

Certains ont tenté de connaître la raison pour
laquelle ils ne peuvent même pas chanter des chansons de films pourtant réalisés
par la Corée du Nord, mettant ainsi les officiels de la propagande dans une
situation délicate. Toujours selon la source, « récemment, on a même vu
des bagarres entre des gens et les chefs d’inminban. Certaines femmes étaient
tellement en colère qu’elles ont pris d’assaut les bureaux locaux de la
propagande pour se plaindre du fait qu’on avait brûlé leurs supports musicaux
sans même les prévenir. »

Ces mesures n’ont pas eu les effets escomptés,
mais n’ont au contraire fait que renforcer le mécontentement de ceux qui ne
peuvent que présumer des motifs réels à l’origine de cette décision. « Les
gens comparent la période actuelle au passé, quand les yangban (la classe
dirigeante durant la dynastie Joseon) avaient le pouvoir sur les autres, comme
à l’époque d’Im Kkeok Jeong. Ils savent que les dirigeants actuels et les
membres des échelons supérieurs de la société craignent que la chanson du film
Im Kkeok Jeong devienne un chant de résistance à leur pouvoir.

De façon prévisible, un autre effet pervers de
cette politique répressive a été d’éveiller l’intérêt pour ces chants de gens
qui ne leur en accordaient jusqu’à présent que peu, voire aucun.

Certains sont même allés jusqu’à analyser les
paroles pour découvrir les motifs de la censure. Dans le cas des « Échos
de Halla » – dont les chants sont souvent chantés lorsque les temps sont
durs – les gens pensent que les officiels craignent que les termes
« nouveau voisinage » et « Nation sans larmes » soient vus
comme faisant référence à la Corée du Sud. D’où la décision de censurer ces
œuvres par crainte qu’elles ne deviennent des chants d’espoir pour les
transfuges, suppose la source. Selon cette dernière, « beaucoup de gens pensent
qu’une fois que vous avez une chanson dans la tête, on ne peut plus
l’effacer. » Elle a même ajouté qu’à la lumière de ces récentes mesures
répressives, la compréhension de la population envers ceux qui ont fui le pays
ne cesse de croître, certains les surnommant même les « éclairés ».

* Le contenu de cet article a été diffusé à la
population nord-coréenne via Unification Media Group.

Ce qui suit est un extrait de la désormais
interdite chanson « Agissez, frères de sang ! », tirée du film
nord-coréen Im Kkeok Jeong :

Du plus profond de la Terre résonne la douleur
du peuple

Des larmes de sang se sont accumulées, ô, dans
ce monde injuste

Dîtes-nous, s’il vous plaît, montagnes et
rivières,

Comment nous sommes supposés vivre dans un
monde qui nous brise le dos

Et nous prive de nos parents et enfants ?