Avec l’économie de la connaissance, les professeurs se reconvertissent dans le charbon

À la suite de sa déclaration de 2012, par laquelle Kim Jong
Un a entendu « faire de la Corée du Nord un pays fort fondé sur l’économie
de la connaissance », un système éducatif obligatoire de douze années a
été instauré la même année, mesure qui a récemment conduit les professeurs les
plus talentueux dans nombre de régions à quitter leur poste. La mise en œuvre
de ce nouveau système n’a en effet pas amélioré le traitement des enseignants,
qui demeurent pauvres, et les a conduits à quitter l’enseignement pour se
tourner vers des entreprises opérant en devises étrangères dans le secteur des
exportations de charbon, afin de perfectionner leurs compétences nécessaires à
un esprit d’entreprise.  

 

Une source, dans la province de Pyongan du Sud a affirmé à
Daily NK le 2 septembre 2014 qu’ « un professeur de niveau 1 diplômé
de l’Université Kim Il Sung à Pyongyang peut travailler comme jato (manager)
dans une mine de charbon. Elles (les autorités) ont changé le système éducatif
sans proposer une quelconque solution aux problèmes auxquels les professeurs
font face. Ces derniers abandonnent donc leur métier pour trouver de nouvelles
opportunités sur le marché ».

 

Le jato, un mot nord-coréen utilisé exclusivement dans le
domaine de l’extraction de charbon, est une personne qui détermine la
production et supervise la gestion de la mine. Les directeurs de l’entreprise
ont tendance à favoriser les professeurs de niveau 1, non pour leurs
compétences et leur vision exhaustive, mais en raison de leur bagage élitiste.
Les institutions éducatives de Corée du Nord administrent des examens annuels
rigoureux qui classifient les professeurs en six différents niveaux, le niveau
1 regroupant les professeurs ayant obtenu les meilleurs résultats.

 

Le 25 septembre 2012, le sixième rassemblement de la
Douzième Assemblée populaire suprême de Corée du Nord a adopté une mesure
faisant passer le nombre obligatoire d’années d’éducation de onze à douze,
mesure qui appelle à l’amélioration des résultats dans un quatre
domaines : a) fondamentaux des sciences et mathématiques, b) langues
étrangères, c) systèmes d’information et de communications pour établissements
scolaires, et d) informatisation des processus administratifs relatifs à
l’éducation.

 

« Les parents qui privilégient les langues étrangères
et les compétences informatiques pour leurs enfants engagent des tuteurs privés
mais critiquent les professeurs lorsque ceux-ci tentent d’approfondir ces
matières à l’école », ajoute la source, notant que la désapprobation est
principalement financière par nature. « Ils (les parents) sont
particulièrement soucieux des coûts des visites de terrain et des matériels
requis pour les expériences en laboratoire ».

 

À la suite de la promulgation de cette nouvelle politique,
des professeurs de collèges prestigieux ont commencé à intégrer les
performances des élèves dans les expériences scientifiques dans la notation
générale. Le budget nécessaire à l’équipement en microscopes, pincettes, loupes,
et réactifs chimiques requis pour ces expériences est retombé sur les familles.

La source poursuit en indiquant qu’alors que la Corée du
Nord se targue d’offrir une éducation gratuite pour sa population, les pénuries
de fournitures distribuées habituellement par l’État et les problèmes de budget
contraignent les parents d’élèves à endosser la plupart des frais permettant de
maintenir les écoles en activité. Les conditions endurées par les professeurs
sont encore plus mauvaises, ajoute la source : contrairement à ce qui se
produisait par le passé, les professeurs reçoivent en temps normal 100% de leur
salaire et des rations alimentaires, mais se trouvent toujours parmi les classes
sociales inférieures.

 

Des professeurs de collèges réputés de la province de
Pyongan du Sud reçoivent 15kg de maïs par mois, ainsi qu’un salaire moyen, en
fonction de leur rang (1 à 6), allant de 2 500 à 5 000 wons. En déduisant les contributions
obligatoires, les cotisations au Parti, et les taxes diverses, ce montant est
plus proche de 1 000 à 1 500 wons, à peine suffisant pour acheter un œuf au jangmadang
(marché), dont le prix actuel se situe entre 800 et 1 200 wons.

 

La progression de l’économie de marché a entraîné des
améliorations dans la vie des citoyens et accru le consumérisme, mais les
professeurs les plus compétents, qui demeurent dépendants du système étatique
peu fiable de distribution de nourriture et ont chuté pour se retrouver parmi
les classes sociales inférieures, quittent leur métier pour rejoindre des
entreprises et bénéficier ainsi des changements qui s’opèrent.

 

« La politique des douze années obligatoires
d’enseignement a peut-être amélioré certains aspects du système éducatif, mais
les mesures tendant à améliorer le traitement des professeurs n’ont fait aucun
progrès ; jusqu’à ce que cela soit le cas, le phénomène du départ de
professeurs de leurs écoles pour profiter d’autres opportunités économiques va
s’étendre » affirme la source, qui ajoute que la province de Pyongan du
Sud est pleine de telles opportunités. 100 entreprises opérant en devises
étrangères, affiliées au Ministère des Forces armées, et spécialisées dans les
exportations de charbon s’y trouvent et accueillent les nouveaux talents que
constituent les professeurs.

 

Ces organisations surveillent chaque étape du processus, de
la production à la vente et à la distribution de charbon, faisant des
compétences que possèdent les professeurs de niveau 1 des compétences
recherchées pour les postes de gestion. La source décrit ce phénomène comme
étant un effet secondaire de la nouvelle politique éducative instaurée en 2012, entraînant des bénéfices inattendus, même si tout le
monde n’en profite pas. « Les talents combinés des professeurs de niveau 1
font que les chefs d’entreprises n’hésitent pas à leur faire confiance lorsqu’il
est question de gestion. »

 

Les directeurs d’entreprises ne sont pas les seuls à être
impressionnés par le sens aigu des affaires des professeurs. « La
population a commencé à surnommer ce contingent d’anciens professeurs les
« intellectuels astucieux et prévoyants », conclut la source.