La lutte anti-stupéfiants ne fait qu’accroître la corruption

À la suite d’ordres donnés par Kim Jong Un
d’intensifier la lutte contre la drogue, le nombre de détenus dans les camps de
travail et de « ré-éducation » s’est accru et, du même coup, le degré
de corruption des cadres du Parti, a appris Daily NK.

Selon une source de la province de Pyongan du
Sud contactée vendredi par Daily NK, « depuis que Kim Jong Un a ordonné
d’éradiquer le trafic de stupéfiants, le nombre de consommateurs de
métamphétamines, de dealers, et de producteurs particuliers envoyés dans les
camps de « ré-éducation » a explosé. Toutefois, ceux qui
finissent dans les camps sont ceux condamnés pour des infractions mineures ;
ceux ayant été condamnés à des peines plus lourdes étant libérés sous caution
grâce aux cadres du Parti. »

Cette information a été corroborée par une
autre source de la province de Pyongan du Nord.

« La répression est, du point de vue des
forces de l’ordre, une occasion rêvée d’absorber de grosses quantités d’argent
de la part des producteurs de stupéfiants », a indiqué la source.
« Ils savent bien que ces producteurs font partie des donju (la nouvelle
classe moyenne) et, en somme, ils profitent des ordres donnés pour leur
extorquer de l’argent. »

Quand le Commandement de Défense et de
Sécurité (DCS) de Pyongyang réprime les infractions liées aux stupéfiants, il
dresse d’abord une liste – élaborée à partir des unités locales de protection –
d’auteurs d’infractions avant de décider s’il les envoie dans les camps de
travail ou de ré-éducation, selon la source, pour laquelle cette façon d’opérer
est éminemment problématique dans la mesure où les fabricants de stupéfiants
corrompent les agents du DCS. Au final, seuls les auteurs d’infractions
mineures sont victimes de la pénalisation.

Toujours selon cette même source, les
personnes condamnées à de longues peines de ré-éducation dans les camps mais
laissés libres au moyen de la corruption sont connus sous le nom de
« délinquants 8.3. » Par définition, le terme 8.3 fait référence aux
personnes qui gagnent de « l’argent 8.3 », c’est-à-dire sur le
fondement d’un programme d’autonomie entrepreneuriale limitée instauré par Kim
Il Sung en 1984. En vertu de ce programme, les Nord-Coréens sont incités à
gagner de l’argent en dehors de leur lieu de travail imposé et remettent ensuite
de facto à leur employeur les taxes auxquelles ils sont assujettis. Ces
contributions ne sont pas nécessairement définies en termes monétaires :
des légumes verts ou des herbes médicinales (typiquement exportées en Chine où elles rapportent des profits significatifs) peuvent aussi être
une forme de contribution.

« Les délinquants condamnés pour des
infractions liées aux stupéfiants et qui se retrouvent effectivement dans les
camps de ré-éducation en sortent généralement quelques mois plus tard après
payement d’une caution, dont le montant est fixé sur la base d’un forfait de
100 à 200 U.S.$, multiplié par le nombre de mois composant la peine. Une fois
qu’ils payent ce montant, ils peuvent rentrer chez eux », a ajouté la
source.

Une fois dehors, ils ne perdent pas leur temps
pour acheter ce qui leur est nécessaire pour reprendre la production, gardant à
l’esprit le fait que les stupéfiants sont directement consommés par les
dirigeants des camps. « Même les enfants savent que les stupéfiants sont
plus en vogue parmi les agents des forces de l’ordre que chez le simple citoyen. »
Ces derniers, pleinement au courant de ces pratiques, en concluent que
« la répression ne fait qu’accroître la corruption des membres des forces
de l’ordre », selon la source.