Choi Ong Ye sans frontières

Choi Ong Ye (nom changé sur demande), 36 ans, est
arrivé en Corée du Sud il y a 7 ans, après 2 ans passés en Chine, en Mongolie
intérieure, quelques mois en Thaïlande et au Vietnam. Bien qu’il ait traversé
de rudes épreuves, il garde de la Chine un souvenir très positif, et parle du
« grand c
œur ouvert des
Chinois ». Sa route pour la liberté n’a marqué que le début d’un long
périple.

dans un pays qui réprime le « virus du voyage », il a décidé qu’il ne
mourrait pas avant d’avoir réalisé son rêve : faire le tour du monde. Se
sentant enfermé dans la péninsule coréenne et ses frontières infranchissables, il
s’est décidé à vivre à l’étranger ; il cite l’Allemagne, la Suède, le
Chili et d’autres pays avec des yeux rêveurs…

En Corée du Nord, il dit s’être « posé des
questions et avoir réalisé des choses lors d’un cours d’histoire au collège, à
l’âge de douze ans ». Il lui a fallu plusieurs années pour vérifier si son
préssentiment était vrai. Son intention première était de fuir pour les
Etats-Unis. « J’ai découvert les Etats-Unis en écoutant des films, en
regardant de la musique. Quelque chose m’a frappé et je me suis dit que je
voulais fuir pour m’installer là bas. Quand j’écoutais de la musique nord
coréenne ou chinoise, il y avait toujours quelque chose de trop typique de
cette région, un peu irritant, mais en écoutant de la musique américaine, j’ai
ressenti un aspect international qui pouvait concerner aussi bien des
américains que des africains, des européens et des asiatiques » dit-il.

Une entrave à ses projets s’est présentée sur sa
route. Arrivé en Thaïlande, il a dû renoncé à sa destination rêvée devant la
file d’attente à l’ambassade… Encore trois ans à passer dans un refuge
thaïlandais « comme une prison » pour atteindre le rêve américain,
contre deux mois pour la Corée du Sud.

Il s’est donc installé en Corée du Sud et a voulu
suivre les traces de son père policier en s’inscrivant à l’Université Dongguk
dans deux spécialités : département d’administration de la police et
département d’études nord coréennes. Il pense que « les études sont un
moyen d’acquérir des techniques et des connaissances, mais pas seulement !
Pour un transfuge, c’est une occasion non négligeable de rencontrer des Sud
Coréens et de s’intégrer ».

De plus, les frais de scolarités sont pris en
charge par l’Etat pour les défecteurs souhaitant étudier dans des établissements
publics, ou partagés entre l’Etat et l’université pour ceux qui veulent entrer
dans les établissements privés.

Choi Ong Ye envisage de devenir policier, mais
certainement pas avant d’avoir réalisé son rêve pour lequel il fait beaucoup
d’efforts, en travaillant à l’usine de Namdong (Incheon). Les efforts payent
puisqu’il met le cap dans quelques mois pour le New Jersey. Conscient
qu’apprendre l’anglais est une nécessité pour les nord coréens qui veulent
s’intégrer dans une société démentiellement concurrentielle, il dit avoir
« un intérêt avant tout culturel, et musical ». Car Choi Ong Ye est
aussi un passionné de musique, compositeur à ses heures. Il aimerait également
percer dans cette voie à l’étranger.

Malgré tous ses projets, Choi Ong Ye a un
pincement au c
œur en pensant
à ses amis, sa famille et tout le quartier dans lequel il a vécu à Pyongyang.
Il regrette de ne pas pouvoir en parler ici, en Corée du Sud, où le moindre
regret pour le Nord peut être prit comme un élan de sympathie au pouvoir
dictatorial. Il insiste sur le fait que les Coréens du Sud sont très méfiants,
voire apeurés de rencontrer des transfuges.

Voulant lutter contre le racisme et les injustices
subis au quotidien, Choi Ong Ye a pris les choses en main et, puisque ce qui
l’a impressionné le plus à son arrivé en Corée du Sud a été « la vitesse
et la capacité d’internet », il en a fait une arme. Il a créé un
« café », un groupe sur internet rassemblant des gens de tout âge
ayant un interêt commun. Le café intitulé « Les Nords Coréens autour du
monde », a déja regroupé 130 membres en à peine 5 mois d’existence, le
classant troisième des groupes du même style. « Mon objectif est
d’atteindre 7 000 000 000 de membres, pour lutter contre
les discriminations et les préjugés. C’est un groupe pour l’association et
l’amitié du monde entier » dit-il en souriant.

Il explique sa motivation : « en
réunissant les nord coréens, les sud coréens et d’autres gens de divers pays
autour de quelques verres, les sud coréens se rendront compte que les nord
coréens ne sont pas si différents, et leur point de vue commencera à changer ».
Choi Ong Ye organise des réunions une à deux fois par mois, où les membres
apprennent à mieux se connaître en échangeant leurs expériences personnelles
avec le même intérêt, qu’ils soient du Nord, du Sud ou d’ailleurs.

Quant à la réunification, Choi Ong Ye l’imagine
internationale. « Je rêve qu’il n’y ait plus de Corée, car il n’y aura
plus de frontière, plus besoin de visa pour aller quelque part et plus d’armée !
Par conséquent, il n’y aura plus d’Etat, mais un grand pays avec des peuples
qui vivent en harmonie. ». Il base son rêve sur son expérience en Chine, où
« cohabitent plus de 50 ethnies différentes sans se battre ».