Une enveloppe de vingt millions de won

« Quand j’étais petite, j’étais la
meilleure footballeuse de l’équipe féminine. J’avais des forces et de la
confiance en moi. Cependant, la pauvreté m’a empêchée de  réaliser mes rêves, et le système dictatorial
ne m’a pas aidée non plus. J’ai finalement décidé de fuir en Chine, alors que
ma vie avait presque touché le fond. Alors que je vivais dans la crainte d’être
découverte et rapatriée au Nord, mon premier enfant est né avec une maladie
cardiaque. J’étais dans une situation tragique, où il m’était impossible de
retrouver espoir. Dès que j’ai eu l’opportunité de venir en Corée du Sud,
j’étais absolument déterminée. Mais mon intégration a été bien plus dure que ce
que j’avais imaginé ! Tous les jours, je pensais à mon village natal et à
mon fils en pleurant ».

Le destin de Kim Hi Jeong (voir photo), qui
a vécu ce quotidien harassant, a pourtant commencé à dessiner petit à petit un
sourire sur le visage de celle-ci. Elle a rencontré un mari confiant et ses
beaux-parents chaleureux l’ont encouragé quoi qu’il arrive. Avec l’aide de sa
nouvelle famille, elle a pu faire venir son fils de Chine et l’hospitaliser
pour sa maladie cardiaque. Elle a été une employée modèle, déterminée à vivre et
pleine de gratitude envers sa belle-famille.

Madame Kim ne travaillait que quatre heures
par jour mais elle n’a jamais été absente ni en retard pendant 3 ans. Face à
son attitude exemplaire, le directeur de son entreprise l’a récompensée d’une
enveloppe garnie de plus de 20 000 000 de won (environ 16 350 euros).
Cette somme est l’aide que le gouvernement attribue aux entreprises qui
engagent des réfugiés nord coréens. Pleine de joie et très émue, elle l’a
utilisée pour monter son restaurant et une entreprise de colin séché.

Kim témoigne : « Au début, je m’étais
promis de ne rien vendre si la qualité et le goût n’étaient pas ceux que
j’avais désirés. J’ai dû jeter des dizaines de milliers de won de poisson. L’on
peut penser que j’aurais dû les vendre quand même, mais je voulais éviter que
le client ne revienne jamais. Je ne pouvais pas faire ça en toute conscience,
et je me suis demandé si ça n’allait pas donner une mauvaise image des
défecteurs ».

Sa sincérité lui a valu d’être connue dans
tout le quartier, en plus de ses engagements bénévoles associatifs. Les clients
réguliers se sont multipliés, et dans la continuité du développement accéléré
de ses activités économiques, elle s’est lancée dans la vente en ligne. Depuis
peu, elle exporte même vers l’Asie du Sud Est. Elle pense ouvrir en parallèle
un commerce de Banchan (accompagnements coréens).

Madame Kim a également ouvert un restaurant
de brochettes de mouton et de colin en 2011, référencé par les gourmets comme
l’un des meilleurs durant ces quatre dernières années. Parmi les clients,
beaucoup de défecteurs et d’étrangers, mais aussi des Sud Coréens qui viennent
chercher un goût différent de leurs habitudes.

Madame Kim dit : « Tout en
dirigeant l’entreprise de colin séché, j’ai commencé à vendre des soupes de
colin de Busan. J’utilise mes sauces et mes aliments de base, et je cuisine en
me disant « Je ne vends que ce que je mange ». Pour les brochettes
aussi, je n’utilise que de la viande tendre de meilleure qualité. Car les vrais
amateurs de brochette de mouton reconnaissent ce goût ».

Les soupes de colin
que vend Madame Kim sont un compromis entre un style nord coréen et sud
coréen : « Je cuisine en prenant en compte les préférences de goût
des Sud Coréens, plutôt que de rester agrippée au style nord coréen. En Corée
du Nord, je vivais au bord de la mer. Comme j’ai vu mes parents travailler dans
l’exportation de poissons, je sais reconnaître la qualité d’un poisson en un coup
d’œil. Grâce à cela, même lorsque je faisais toute sorte de commerce en Chine,
j’avais confiance en moi ».

L’argent qu’elle gagne avec son business,
elle le partage entre les cinq membres de sa famille pour les frais quotidiens
et les frais d’éducation, et les habitants de son quartier qui vivent dans des
conditions précaires. Elle cuisine aussi des plats nord coréens pour les
partager avec les défecteurs nostalgiques. Madame Kim dit : « A ceux
qui me demande ce qu’il me reste pour moi, je réponds le partage et la
gratitude ».

Elle ajoute en confiant ses
aspirations : « Mon business a commencé avec la détermination de vivre, et
j’ai reçu un intérêt de la part des autres qui suffit à faire vivre ma famille.
Maintenant, je veux vivre une vie précieuse en remerciant les personnes qui
m’ont apporté leur aide. Je voudrais partager le plus chaleureusement possible avec
toute ma sincérité ».