Un spectacle pour la réunification : Oneul Do Oneul

Du 4 au 18 mars 2015, au petit théâtre de
la liberté du Seoul Arts Center, s’est joué le spectacle « Oneul Do Oneul »  (Aujourd’hui et encore aujourd’hui). Le
spectacle est parti du désir de prouver que, par le théâtre, on peut faire un
grand pas vers la réunification.

L’auteur et metteur en scène Kim Dae Hyun
s’est aventuré sur le sujet sensible des familles séparées, que beaucoup
d’artistes Coréens n’osent pas encore aborder.

A travers l’histoire de Ri Song Min, un
jeune marié qui laisse sa femme au Nord pour aller combattre « pas
longtemps » aux côtés de l’armée du Sud, on suit l’histoire de millions de
Coréens encore séparés.

Le début, à commencer par la scénographie,
laisse à désirer. Des décors aux tons militaires remplissent la scène en
laissant un avant-goût cliché de film américain sur la guerre du Viêt-nam. De
grands draps sont aussi déployés pour encadrer le côté folklorique du mariage
mais leur utilisation devient vite telle que draps rouges pour les méchants et
bleus pour les gentils. La guerre est reproduite par de bruyant coups de
mitraillette de type jeux vidéos, et des corps qui s’effondrent en masse, ne
laissant pas le temps au spectateur d’apprécier une émotion.

Heureusement, cette première impression est
réfutée dès les scènes comiques reflétant le caractère populaire tout comme
poétique du théâtre traditionnel coréen. L’alcool coule déja à flot dans les
gorges des jeunes mariés, et la vie transpire en ombres chinoises derrière les
portes coulissantes du Hanok.

L’histoire n’est en fait pas seulement concentrée
sur les familles séparées mais sur tous les problèmes qu’a amené la guerre de
Corée (1950-1953) pour le peuple. Pour cela il utilise de nombreuses
métaphores. Celle du papillon qu’essayent d’attraper deux jeunes enfants. Ou de
la femme qui cherche son mari éternellement, un bébé dans les bras qu’il n’a
jamais connu. Elle erre en demandant à quiconque l’aurait vu quand une dame répond
« mais c’est moi ! » ou « Apprends moi qui je suis ».
A travers cette image, le problème de l’identité, dû à la séparation, est posé
clairement. Cette femme qu’elle rencontre semble n’être autre qu’elle même,
l’avenir du bébé qu’elle tient dans ses bras et de toute une génération qui
devra travailler dur sans se poser de question. Quand à l’homme, il se remarie
avec un femme du Sud sans pour autant oublier son village natal et se noie dans
l’alcool. Ces troubles du manque, de l’attente et de l’obligation de faire avec,
le mènent à refuser sa petite fille (réfugiée) qui arpente les rues à sa
recherche.

La troisième génération est aussi
représentée de manière critique à travers une chorégraphie pop de
« réunification addict’ ». On danse tous parfaitement synchronisés
sur les mêmes chansons et on achète sans contredire. Le sens initial de la
réunification a été complètement détourné. Song Min, loin de sa campagne
folklorique et de sa femme, force désormais des adolescents à exécuter un
service militaire qu’ils sont de plus en plus nombreux à remettre en cause.

Comparée à une grande majorité de
spectacles contemporains en Corée qui sont très cadrés, celui-ci se permet des divergences,
des critiques et des images évocatrices variées. Par exemple, la femme quitte
peu à peu sa robe traditionnelle pour une écharpe épaisse et des habits
délabrés dans les tons verdâtres, tenant quelque chose qui ressemble à un
boulet de prisonnier. L’image des camps, comme beaucoup d’autres, aurait pu
être poussée davantage mais le spectacle semblait déja partir dans diverses
directions incontrôlées. Par ce biais, le spectacle laisse au spectateur la
possibilité de se faire sa propre interprétation, jusqu’à la scène de
retrouvailles du couple initial… au paradis, après la réunification, dans
leur imagination, ou ailleurs dans la nôtre.

Toujours est il que la scène finale reste
dans la tête : un chœur sur « Notre vœu, la réunification »
amorcé par les deux enfants et repris par les acteurs et quelques spectateurs. L’émotion
suit.

Pour conclure, Oneul Do Oneul  est une pièce
originale qui, au delà du conflit, reflète le sens qu’a pris (ou perdu) la vie
en général en soulevant le caractère urgent de la réunification.