Le billet d’un dollar américain: porte-bonheur pour les étudiants nord-coréens.

Si, dans le cadre du troisième anniversaire de
la mort de l’ancien dirigeant Kim Jong Il, Pyongyang a renforcé sa rhétorique
« anti-impérialiste » et anti-américaine, le « déviationnisme
idéologique » n’en demeure pas moins apparent parmi les étudiants, dont
nombreux sont ceux qui ont sur eux des billets d’un dollar américain, qui font
office de porte-bonheurs.
 

 

« Le mois dernier, dans le cadre de la
visite du maréchal Kim Jong Un au musée Sinchon, des campagnes de propagande –
toutes anti-américaines – ont été organisées dans les usines, les entreprises
et même dans les écoles », a déclaré lundi une source de la province de Pyongan
du Nord à Daily NK. « Mais ces étudiants auxquels ont enseigne
l’anti-impérialisme et l’anti-américanisme conservent des billets d’un dollar
dans leur poche comme porte-bonheurs. »

 

Il y a encore quelques années, des billets
d’un dollar ou d’un yuan étaient rares. Cependant, à mesure que le dollar et le
yuan deviennent les instruments dominants du commerce sur les marchés de Corée
du Nord, même les biens les plus basiques – comme un morceau de tofu – sont
achetés en monnaie étrangère.

 

Les transactions sur les marchés sont
effectuées en majorité en devises étrangères, à tel point que si les gens
utilisent le won, cela est considéré comme démodé. L’utilisation grandissante
des devises reflète la dépendance croissante du pays envers elle et la
dévaluation latente de la monnaie nord-coréenne.

 

Non seulement l’utilisation des devises
étrangères est banale, surtout parmi les étudiants, mais de surcroît, elle a
conduit à l’émergence de conversations inattendues en Corée du Nord. « Les
étudiants ne se contentent pas d’avoir des dollars. Ils les conservent dans
leurs bouquins et parlent de l’image de George Washington présente sur les
billets. Ils disent des choses comme « Washington n’est pas juste la
capitale du pays, c’est aussi le nom du premier président du pays » a
ajouté la source.

 

Ce mois-ci, les media nord-coréens ont renforcé
la propagande relative aux classes sociales, et ont vigoureusement réagi au
projet de résolution adopté par le Conseil
des Droits de
l’Homme des Nations unies et relatif à la situation de ces derniers dans le
pays. Ces media usent d’une rhétorique du type « de la même façon qu’un
poisson ne peut pas vivre hors de l’eau, le peuple ne peut pas concevoir une
vie indépendante et la dignité humaine sans enseignements anti-impérialistes,
anti-américains, et relatifs à la lutte des classes. La victoire de la
révolution et du socialisme dépend de la façon dont ces enseignements sont
menés. »

 

Le musée Sinchon, récemment visité par Kim
Jong Un, a également utilisé la même rhétorique. Des photographies de deux
adolescents sud-coréens – Hyosun et Miseon – écrasés par un véhicule militaire
américain en 2002, ont été affichées dans le musée. Les explications accompagnant
ces photographies précisent que « de même que les caractéristiques d’un
loup ne changent jamais, tout fantasme à l’égard de l’impérialisme américain
conduit à la mort. »

 

Selon la source, cette rhétorique
anti-américaine ne parvient cependant pas à contrecarrer l’engouement croissant
des citoyens, et notamment des étudiants, envers le dollar. « Les jeunes
pensent qu’ils peuvent accéder à l’université de leur choix avec suffisamment
de dollars. Ils ne peuvent pas s’empêcher de se construire un imaginaire autour
des Etats-Unis. »

 

La source a ajouté que les étudiants
considèrent que le billet d’un dollar porte plus de chance que celui de cent
dollar car « c’est le billet sur lequel figure le premier président du
plus puissant pays du monde, et le chiffre un symbolise un chemin droit non
semé d’embûches. »

 

Après le billet d’un dollar, celui de cinq est
le plus populaire car y figure le portrait de Lincoln. « Lincoln est un
modèle pour les étudiants, une figure historique qui a libéré les esclaves
après avoir perdu ses parents lorsqu’il était jeune et n’ayant pas eu
accès à une éducation normale » a expliqué la source.

 

Tout cela présage du fait que la tendance au
« porte-bonheur » va s’étendre dans le pays. « Les parents
donnent à leurs enfants des billets d’un ou cinq dollars, symboles de leurs
espoirs que leurs enfants deviennent des personnages importants qui
amélioreront l’avenir. La propagande anti-américaine peut bien continuer, mais
il semble qu’il sera de plus en plus difficile d’éradiquer l’imaginaire qui
découle de ces billets », a conclu la source.